Site d'origine du message: uneparjour Page d'origine du message: Destinataire: rédaction uneparjour et auteur de l'image Concerne la photographie: upj_jlclaude1578 ![]() Carnet de route d'un UPjiste - Un hiver indien – 31 - Babu Das Babaji Maharaj prépare des chapatis, pains indiens sans levain.SE NOURRIR EN INDE À Laxman Jhula, où je loge, il y a beaucoup de restaurant qui proposent des cuisines adaptées aux touristes qui proviennent de différents pays de notre planète. On y trouve de la cuisine italienne, française, israélienne, américaine, mexicaine, chinoise, népalaise, et pratiquement toutes les « boulangeries » font des spécialités allemandes (German bakery). Beaucoup de ces restaurants sont tenus par des népalais qui sont d'excellents cuisiniers et qui savent très bien imiter ces cuisines du monde. Si certains plats sont excellents, par contre d'autres sont une contrefaçon qui ne porte que le nom ; la pizza par exemple, dont la pâte est bien loin d'égaler son modèle italien. Pour certains touristes qui ne supportent pas la cuisine indienne épicée, c'est rassurant de pouvoir retrouver une cuisine « continental food » ; mais avec le risque d'attraper une gastro-entérite et de passer la moitié de ses vacances sur la cuvette de ses toilettes, du fait que les aliments ne sont pas toujours bien conservés et l'hygiène plus que douteuse, ce qui peut être gênant pour ceux qui pratique le yoga et qui, en plein exercice, on envie de lâcher une flatulence, serrant les fesses, alors que leur gourou leur demande de s'épanouir comme une fleur de lotus au lever du soleil. Dès les années 1940, le restaurant a fait son apparition en Inde. Pour les migrants ou les célibataires au pouvoir d'achat peu élevé, il répond encore bien souvent à la stricte nécessité de remplir l'estomac. L'apparition de fast-foods américains depuis une quinzaine d'années dans les grandes villes indiennes marque une profonde révolution dans les pratiques alimentaires. Cette modernité est en train de remettre en cause la symbolique rituelle de la nourriture, élément essentiel du rapport des hindous à leur univers et du système des castes. Dans l'hindouisme, la préparation et l'absorption de nourriture font l'objet d'un grand nombre de règles et de prescriptions. Dans les textes sacrés, tels les Upanishad, la nourriture est généralement perçue à l'égal de Brahma qui symbolise le principe de la création de l'Univers. La nourriture est Brahma car elle est ce qui circule dans l'Univers à travers les corps, qui, fait de chair et d'os, deviendront nourriture à leur tour. Dans ce monde organique, la nourriture est sensible aux conditions dans lesquelles elle a été préparée. Une fois ingérée, elle peut, selon les cas, transmettre pureté ou impureté au mangeur et déterminer ainsi son statut rituel. Les risques de pollution concernent davantage les individus de haut statut, notamment les brahmanes, qui se doivent de préserver leur pureté rituelle, tandis que ceux issus de la basse caste, considérés par définition comme impurs, sont moins vulnérables. Dans son acception hindoue, la nourriture représente ainsi une donnée essentielle dans le fonctionnement du système des castes, notamment fondé sur le principe idéologique du pur et de l'impur. Un cuisinier de la caste inférieur suffit à polluer la nourriture et à remettre en cause le statut rituel du mangeur. De même, l'acte de manger est sérieux, voire dangereux, il est conseillé de se laver et de se changer avant de prendre son repas, qui est offert au préalable aux divinités domestiques. Il est aussi recommandé de manger seul, sinon avec une personne de caste semblable : le temps du repas n'est pas associé à un moment de convivialité, contrairement à ce qu'il est dans la culture occidentale. Il y a quelques décennies encore, le non-respect des règles de pureté pouvait avoir de graves conséquences. L'Inde est un marché de consommation de passer 1 milliards d'individu, et qui dit marché de consommation dit aussi : possibilité pour les grands trusts de s'en foutre pleins les poches ! Et dans ce cas-là, la pieuvre tentaculaire suisse de l'alimentaire, Nestlé, à très bien compris que l'Inde était un marché plus que florissant. En Inde, Nestlé est présente depuis 1962 et cette multinationale a mis dix ans à comprendre le marché de masse indien. Elle n'avait peut-être pas méditée la réflexion de Rudyard Kipling qui disait : « Ci-gît un fou qui avait essayé d'obliger l'Orient à se hâter. » Dans les années 2000, Kentucky Fried Chicken et autres Pizza Hut essayent de convaincre les indiens à leurs nouvelles cuisines. Mais cette évolution a du mal à entrer dans les foyers, notamment lorsque les industriels occidentaux prétendent remplacer les repas traditionnels indiens par des repas étrangers. Nestlé, l'une des premières à comprendre que pour pénétrer le marché indien, il lui fallait proposer des snacks et autres petits en-cas rapides, avait lancé en 1983 des nouilles instantanées Maggi. Son concurrent direct, le géant anglo-hollandais Unilever, avait essayé à la même époque de convaincre les Indiens de manger des pâtes en plat principal comme en Europe. Unilever échoua, alors que Nestlé triomphe en présentant ses nouilles comme un snack à déguster entre les repas et en mettant en scène, dans sa publicité, des enfants jouant à porter les nouilles à la bouche avec leurs mains (la plupart des Indiens mangent avec leurs mains). Nestlé sert aujourd'hui d'exemple aux autres entreprises alimentaires, limant ses marges, donnant une saveur local à ses produits... et une certaine bonne conscience aux mères de familles, qui contrôle la moitié du budget du ménage. Aujourd'hui, la cuisine indienne retrouve ses racines, la tradition revient au goût du jour et les chefs puisent dans le patrimoine régional pour faire évoluer les cartes. La cuisine indienne était considérée comme ringarde, mais c'est en train de changer. |