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Le Parloir: voir (confinement)

CONFINERIES et MASQUES NEUTRES (VOIR) 

 

pour ouvrir des portes aux émotions du confinement 

ou de la déconfinade tout aussi bien 

lâcher les émotions qui hantent les corps arrêtés 

 

voilà tu as un "carré blanc" 

jettes-y ce qui te vient 

que ça ait peur que ça crie ou que ça rie ! 

 

plutôt des fictions, des hésitations, des interrogations ! 

passque ... des certitudes, des ordres donnés  

on en a déjà été saturés 

 

 

signé La bande des Uneparjour 

mardi 14 les frontières seraient-elles en train de devenir moins gaies ?
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Faut-il plonger plus profond que là où le pouvoir voudrait te noyer ? Lui échapper par le bas ?

Ouvrir les yeux dans le noir ? Caresser les poulpes et les méduses ? Rire silencieusement sous l'eau ?
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Pour ce qui est de la Pointe de la Jonction, située, dans le cul de sac du quartier entre les deux cours d'eau qui partagent la ville, après le dépôt des trams - ces belles machines à transborder les hordes de travailleuses et travailleurs si pressés et pressées d'aller s'offrir à torturer dans un boulot qui les exploite - et encore plus loin que les autres bâtiments industriels tel que l'usine Cougar ... Non pas Cougar mon amour de chéri adorable et débile ! mais K-u-g-l-e-r oui Kugler - décidément je ne me sens vraiment pas du tout prête ni décidée à épouser un petit con maladroit comme toi, inutile, même déguisé en machin à téléphoner et à frimer et dissimulé derrière un écran mat ou brillant dernier cri, décision irrévocable en dépit les merveilles promises par les incessantes publicités qui te décrivent comme Monts et Miracles !
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le zombie un corps sans cerveau; ne se nourrit que de matières molles.
le fantôme, une tête sans corps; se nourrit de ressentiments.
[]

Maintenant il supplie pour des applaudissements, il se met à genoux.
Ecoute-moi !
Aime-moi !
Touche-moi !
Pourquoi tu ne m'applaudis pas ?

Mais il voit bien qu'on ne veut pas lui parler.
Alors il se tait.
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[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
je songe ensuite que les autres bêtes ne connaissent pas ces comportements publicitaires mensongers
finalement je cesse de songer ... c'est trop dénué d'espoir
(à suivre)
[]
[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
mes yeux foutent le camp ... c'est comme se trouver pris dans un cyclone, tu ne vas pas protester de recevoir l'hommage des éléments qui t'emportent comme fétu de paille ... je deviens quelque chose d'autre ... quelque chose de plus grand, un corps avec plus de réalité ... et un peu plus de difficulté aussi ... et alors !!
(à suivre)
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Mais plus tard ce Palais carré comme une boîte à chaussures gigantesque fut détruit pour faire place à un Temple de l'Intelligence Officielle qui serait nommé "UniBail" ... Non ma chérie non non et non ! pas UniBail ! vraiment à quoi penses-tu ! et non pas "Un Email" non plus ! et encore moins "Uni My" ! bref laisse tomber ma belle, tu es vraiment trop sujette à tous les poncifs à la mode, technocratiques ou anglo-saxons.

Aparté pour le lecteur: ce magnifique Temple Universitaire fut nommé "UniMail", du nom du quartier qui l'abrite.
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Vient ensuite le pont du milieu, c'est celui de Folon. Folon chante toute la journée. Il a un oeil sur tous les ponts. Il les voit tous mais personne ne le sait. Il est toujours prêt à changer de pont si quelqu'un fait mine de sauter dans la rivière.

Après, il y a le pont blanc vide de Laemia: le plus beau de tous les ponts. Mais maintenant personne ne le traverse jamais.

Le pont des deux filles arrive plus bas en aval. Il fait beaucoup de bruit à chaque fois qu'elles marchent. Chacune est à un bout du pont. Il arrive que Laemia tente de sourire à Jeanne. Mais ce n'est qu'un sourire triste puisqu'elle pense toujours à son ancien pont, le pont blanc. Là où tout aurait pu se passer autrement.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
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Dans cette histoire il y a six personnages:
une jolie fille: Laenia
une fille folle: Jeanne
un jeune homme: Bart
un soldat: Félin
une grand mère aveugle: Miseria
un vieux facteur sage: Folon

Il est cinq heures, c'est le matin. Le soleil se lève. Que font-ils ?

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
Ce rêve me revient. Il revient sans cesse.
Il doit bien être occupé à me parler de quelque chose.
Je me demande de quoi il me parle.
Sans comprendre, même dans l'incertitude (ou plutôt surtout dans cette secrète vraisemblance mensongère) je sens bien que je l'aime ce rêve, il m'est nécessaire. Il me fait peur aussi.
Il parle de corps en groupes, il parle de terres inexplorées, il parle de l'étrange du monde, il parle de la noyade dans la vie, il parle bien sûr du dangereux du pouvoir. Il parle bien sûr de la solitude et de la puissance ou de l'impuissance du désir.

Ou peut-être ne me parle-t-il de rien du tout. Peut-être bien ne sait-il rien de moi.

Peut-être se donne-t-il juste un peu de plaisir à lui-même.
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Un enfant court, le visage riant de plaisir. On lui a enfin permis de sortir toucher la terre nouvellement gelée. Il découvre son nouveau domaine, il reste un instant immobile, surpris d'être si heureux tout-à-coup. Il court et touche la glace, d'abord délicatement du bout de sa botte. La glace résiste.

Un sourire malicieux et coupable entrouvre ses lèvres. Et il se met à briser toute la surface blanche des flaques. Il prend dans ses mains une grande plaque froide et coupante, transparente et inquiétante...

A sa mère qui le regarde de sa fenêtre, il crie:
"De la glace !"
Il jette la plaque qui se brise en petits morceaux lumineux.
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peser mesurer
l'élasticité à l'usure
de ce que tu laisses sortir
de ce que tu laisses entrer
ta peau tes pores tes narines ornées de barbelés
j'hésite à écrire
mes doigts sur le claviers touchent l'extérieur la toile du monde comme une menace pour mes émotions confinées une vision de moi-même en frontières maitrisées
musique à fond s'il vous plaît
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Felicia

Je veux vous raconter son histoire.
Je sais une chose: elle parle toujours.
Elle parle toujours de ses nuits.
Elle est très excitée.
On dirait qu'elle ne vit que la nuit.
Une fois je l'ai vue dans un café, elle dansait.
Elle s'est mise à pleurer.
Avant elle riait très fort.
Tout ce qu'elle avait eu elle ne l'avait plus.
Tout ce qu'elle voulait avoir elle ne l'aurait plus.
Elle parlait très fort.
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Je me suis laissé forcer à un rendez vous en Allemagne.
Il va falloir prendre un train. Je me suis conformé sagement aux instructions.
Et je finis par arriver là où on me l'a fixé.
Le lieu se nomme Lörrach, selon certains écritaux ou enseignes de débits de boissons.
Une ville frontière avec des alignements hasardeux de choses qu'on ne touve nulle part ailleurs. Des bibloteries bon marché. Des attrapes-nigauds. Des saucisses et de la bière comme dans les stades de foot. Je suis en avance et je traîne dans ce no man's land.
Le temps passe. Quand le jour tombe je me fais à l'idée que le truc est raté. Je prends le train en retour.
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Ah le Pont Sous-Terre ! oui ce nom nous avait toutes les trois fascinées depuis longtemps et on en était encore un peu émues en retour, mangées par le passé ..... Un pont sous la Terre ? Alors il reliait quoi à quoi ? une grotte à une caverne peut-être ou une Grotte à une Colline Souterraine ? Et qu'est-ce que c'était qui pouvait bien passer sous ce pont, ce pont sous la Terre ? une rivière sous Terre une rivière enterrée comme un mort en cercueil ? rivière coulante et roucoulante et sautillante dans le noir de la Mort ?

Oui ça nous donnait à penser, et depuis toutes petites ... mais avions-nous vraiment grandi depuis, avions-nous vraiment perdu nos émotions de gamines trop curieuses ?
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Sur cette eau attirante flotte un bateau arrêté. Il n'est pas vide.

Maintenant il faut que je m'avoue quelque chose. Oui c'est bien ça, j'ai tiré contre la barque. Afin qu'elle ne cesse pas de sombrer.

Est-ce à cause de la femme que je devinais parmi les corps ? Les corps doivent-ils sombrer ?

Je m'approche de la barque. Des humains aux airs sévères restent assis autour de moi. Je m'approche de la barque. Les corps coulent lentement.

Le monde, ou les oiseaux, fondent sur moi mais ne me touchent pas.
Aucun contact.
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Zombi la fille du voyage traîne une lourde valise presque vide ...merci Zombi, tu me fous des frissons, tu sors toujours du cadre, tu ne te laisses jamais emprisonner dans le cadrage du photographe imbu de lui-même, ni dans le mépris du journaliste ni dans la bonté du bienfaiteur ... oui apprends-moi à échapper à tous ces pièges ... apprends-moi comment me trouver moi-même en me déplaçant sans cesse ... merci Zombi j'espère te ressembler un tout petit peu
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Notre Cité Carl Vogt nous est chère et pour certains nous y vivons depuis longtemps. Depuis quelques années notre Cité est en rénovation. Un chantier lourd et long qui a envahi nos vies sans relâche et sans ménagement. Certains en rient ou y trouvent même du plaisir, tandis que pour d'autres ils se sentent plongés dans une sorte de torture moyenâgeuse, détruisant leurs oreilles, leurs nerfs, leur sommeil.
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Voici ce qui pourrait arriver:

Bart croit voir une jeune fille très belle dans l'eau. Il se jette à sa rencontre. Mais ce n'est que vers sa propre image qu'il se jette. Vers cette image avec les longs cheveux. Mais l'image a une petite moustache d'adolescent. Il n'a pas pu voir la moustache en raison des incessants mouvements de la surface de l'eau.
Le corps de Bart flotte à présent parmi les algues rouges et les poissons ralentis. Seuls ses longs cheveux s'accrochent à la surface de l'eau. Ses yeux morts grand ouverts contemplent le fond de cailloux dans le désir d'y distinguer l'image aimée. Bart passe ainsi calmement sous les ponts et chacun se mets à parler et s'attrister.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
Parviz disait qu'il déteste l'eau du
corps dans la mer. Il a jeté une serviette sur
la plage, a allumé sa cigarette et s'est
assis à regarder le soleil enfoncer
lentement son corps sous l'horizon. Il
préparait sa cigarette et regardait sa
femme et sa fille jouer dans l'eau. Il
n'avait pas encore fini sa cigarette, mais
sa femme l'appela : "Tu viens dans l'eau ? "Le
soleil était parti et rien d'autre qu'un motif
de sa robe jaune et orange était vu à
travers la mer bleue et le ciel. La cigarette
de Bahman Parviz, qui était à moitié
fumée, était encore en train de brûler. Je l'ai ramassée et j'ai
mis un paquet dessus j'ai regardé la mer
et j'ai vu Parviz se noyer de rire, jouant
avec l'eau avec sa femme et avec sa fille ...
[]
sur chaque morceau de chose que les mains de l'aveugle connaissent, il sent des excroissances dont il ne reconnait pas du tout la matière

[la planète morte-vivante]
[]
Je ne comprends pas ce que tu dis.
Ne me fais pas mal.
Aime-moi !
Ami ! Ami !
Pourquoi ne crois-tu pas en moi ?

Il recule. Il a peur. Il ne comprend pas ce que la chose désire.
[]
Il m'en avait tant dit mon grand-père, il avait écrit tant d'histoires ...
Il m'avait convaincu de tant de choses étranges, il m'avait transmis de si belles théories passionnées !
Je me demandais s'il se doutait que je les lisais depuis longtemps ces histoires.
Même celles qu'il gardait secrètes.
Avait-il l'intuition que j'allais bien un jour les mettre en scène, les mettre en pratique, ces histoires ?
[]
Oui pourquoi ont-ils mis votre nom
sur l'horloge ? Qui l'a mis ? Mon père,
bien regarder est une chose importante.
Je ne l'ai pas réparé moi-même. C'était le
travail d'un horloger pour la réparer. En
fait, toute notre maison était pleine
d'horloges ... D'abord il a mis mon nom,
puis il a remis la montre en marche. Et toi
maintenant? - Aimez-vous une montre?
Avez-vous au moins une montre? Je
n'aime pas du tout ... Quand je fais mon
travail mes amis disent que le temps est
fini sinon je travaille tout le temps. A la
maison ils demandent quelle heure
est-il ... (Silence) Je déteste le temps et
l'horloge du tout ... - Avez-vous déjà
demandé l'heure qu'il était ? - Jamais ...
Je n'aime pas du tout l'horloge. Il ne
savait pas quel âge il avait, et il ne savait
pas quel jour, mois ou année c'était, il ne
demande jamais ou ne voit jamais
l'horloge. Un garçon nommé horloge
dans le nulle part du temps.
[]
Qui avons-nous sur la rivière ce jour-là ?

Laemia se tient toujours sur le pont de Jeanne depuis que celle-ci est folle. Laemia a donc abandonné son pont. Félin conduit la grand mère aveugle. Tandis que les deux autres sont seuls.

Les personnages ne peuvent se voir d'un pont à l'autre, car le fond de la vallée est obstrué de jeunes arbres feuillus.

"Nous aimerions savoir qui a le pont le plus en amont ? Et dans quel ordre sont placés les autres ?"

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
Ils ramaient sur la barque fatiguée .
Ils voyaient à leur droite un grand trou où l'eau s'engouffrait. Un silence voluptueux en sortait.
Les bords étaient arrondis et lisses, ils semblaient chauds.
Mais leur barque s'éloignait lentement. Leurs yeux tristes étaient tournés vers l'image qui s'en allait. Il n'y avait pas d'eau dans la barque, la mer se faisait entendre en frappant contre la coque. La tempête était curieusement silencieuse et raisonnable.
Les eaux vertes écumeuses se gonflaient lentement avec effort. Leur brève transparence s'illuminait d'éclairs violets. Les nuages noirs étaient poisseux comme des figues restées sur l'arbre. La barque était continuellement enveloppée par les vagues. Elle était sèche. L'eau était retenue par quelque chose de transparent au dessus des têtes des rameurs.
[]
J'ai enjambé une flaque d'eau, j'ai craché contre le mur avant d'entrer. J'ai serré la cravate, j'ai boutonné le veston.
[]
"De Foucault je n'ai lu qu'une page. Mais déjà il m'assassine, révélant en moi l'être inférieur qui s'obstine à comprendre et dominer les choses et les phénomènes. Il m'assassine lâchement, dans le dos, en même temps qu'il se poignarde lui-même. Il tente de recouvrir mon être primitif et sincère d'un voile de contentement de soi et de vérité. Mais il ne me prendra pas à son filet poisseux."
[]
Le sentiment que j'ai à chaque fois que je vois la mer du Sud est immense et indescriptible. Partout où je regarde c'est de l'eau. Des eaux ouvertes !
Je me dis: "ouvertes pour que je puisse aller partout où je veux dans le monde ? "
Et je dis encore : "Depuis le coin de la rue?"
C'est ce que devrait signifier l'eau libre, non ?
Encore une fois, je me réponds à moi-même :
"Voici les eaux qui sont libres. Mais toi tu ne l'es pas !"
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Une femme à longs cheveux tenta de s'extraire de l'eau. Ses cheveux étaient clairs et poisseux. Elle se débattit pour respirer, pour échapper à l'engloutissement. Ses yeux ne montraient aucune peur. Elle était entraînée par un lent mouvement, disparaissant et ressurgissant sans espoir. Mes bras soutenaient son corps sans peine. La tiédeur de l'eau nous confondait. Nos corps se sentirent calmés.

Derrière moi, au seuil du lac, reposait un pont aux couleurs simples.
[]
Bref, l'ombre dit :
"Allez comme une rivière qui frappe une
pierre dans la vallée, continuez, il n'y a
pas d'espoir de miracle venant des morts,
soyez en vie"
[]
"Ah mon amie, n'entends-tu pas tous ces mots trop grands qu'il nous faudrait respecter comme des femmes si belles et si froides ?"

"Que racontes-tu là mon amoureux transi ?"

"Je t'écoutais parler de la Science hier, sous l'avalanche de soleil trop lumineux dans cet hiver de la pensée, ce froid mortel qui nous paralyse ..."

"Ne veux-tu pas cesser avec ces folies de la Parole qui ne sont chez toi qu'une Écriture sans Foi et sans limite ... une fiction ... une fabrique incontrôlée ?"
[]
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."
La Patinoire des Vernets, quel souvenir !

Plus la matinée avançait plus je m'excitais à tirer l'attelage de plus en plus vite et alors je sentais le corps comme ça lié au mien un peu apeuré sur ses jambes tremblantes les patins écartés pour éviter de tomber

Et toujours les minuscules saccades sur la glace entaillée de partout par les lames des patins - surtout les patins des plus grands qui glissaient et viraient brutalement et bien plus vite que nous les petits et dans les virages on sentait le bruit de la glace entamée et profondément éclatée.
[]
Felicia

Sûrement qu'elle n'a rien à faire ici.
Elle parle très fort.
Tout ce qu'elle voulait avoir elle ne l'aura plus.
A la fin il n'y a plus rien, plus personne.
Elle répète sans cesse que c'est le paradis.
Elle ne parle jamais de ce qu'elle est.
Elle est assise à côté de moi.
Je la regarde et elle rit.
Quand elle rit elle touche ses jambes. J'aime ça.
Elle sait marcher, elle est belle, elle sait rire.
Je vois pas bien ce qu'elle sait faire d'autre.
Je me demande avec qui elle danse.
[]
[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
je considère avec étonnement la bête à deux pattes avec artefacts et habillée et je ne peux me retenir de songer qu'elle s'échine bien naïvement à construire sans répit le mensonge continuel de sa bonté et de sa supériorité
(à suivre)
[]
Non ! la belle rousse ne les faisait pas rire avec ses récits burlesques et inquiétants. Elle le savait trop bien. Mais pouvait-elle s'arrêter de raconter ce dont ses intérieures était tout pleins ?
Du haut de la chaire dans les églises des villages où nous n'étions que de passage, j'ai toujours entendu les mêmes sermons sur l'obéissance. Du haut de la chaire, les voix doucereuses avec leurs mots effrayants nous tombaient dessus. Ils nous ressassaient que le seigneur est puissant et que la chair est faible. Pourtant j'avais un faible pour l'âme et la chair de Carla et je voulais bien qu'elle soit mon seigneur. Si ma chair à moi était faible, c'était surtout quand il aurait fallu cesser d'écouter leurs salades et refuser leur cinéma.
J'aurais dû plus souvent écouter Carla.
[]
Alors la demoiselle se met à parler sans vraiment me regarder.
"Je voudrais me réveiller, vivre, rire. Mais ce désir de joie reste enfermé dans cette chambre, trop boursoufflé pour s'échapper par les petites fenêtres. Et dans la rue je vois chaque sourire glissant de côté, chaque geste sans but, chaque visage se détournant du ciel aveuglant, chaque rire éclaté heurtant les murs... Et je me referme moi aussi.
Jamais le soleil ne vient m'éblouir pour chauffer mon corps si jeune déjà fatigué.
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Ma chambre est un désert de ténèbres. Tout est devenu large sur son plancher.
L'ours en bois que Soursh m'a offert il y a quelques mois regarde mes pots et sourit.
Je n'arrête pas de me dire "ce que tu sépares et répands ne se rassemblera plus".
Et j'essaie de mettre mon pied au bon endroit, parmi tous ces porcelets vivants.
Enfin j'arrive à ma bibliothèque.
[]
Les masques de carton couvraient et emballaient les visages de la foule, ils tentaient de dissimuler l'humain et le remplaçaient par des surfaces de têtes animales ... Et d'ailleurs, pourquoi ne voulons-nous pas prononcer le mot visage pour l'animal ? Avons-nous si peur de ne pas rester supérieurs ? Malheureusement pour le Pouvoir, les yeux ne pouvaient être cachés puisqu'il fallait bien forcer la foule à travailler quoi qu'il en coûte, et l'expression de ces yeux était terrible, elle trahissait l'angoisse du monde qui foutait le camp ...
[]
ah ... comment rendre les coups sans vraiment faire mal ? sans vouloir détruire ! construire chaque jour un théâtre de la vie ?
[]
Ce château parait jaillir d'une main qui le serre à sa base et l'empêche de grandir normalement. Chaque pierre déborde de celle d'en dessous. Une unique petite meurtrière entaille la muraille, mince et aiguë comme un visage de mourant. Au centre de l'entaille pourtant on s'enfonce dans une ombre tendre qui m'attire ...
[]
La nuit tombe tôt
Hier l'hélicoptère rase a la ville
puis doucement la clameur des humains noirs cagoulés de noirs doucement comme des fourmis au travail bloque les voitures, déplace des barres de fer, lance des pavés, casse les vitres, hurle, doucement la police reste à distance
Je change de trajectoire
je ressens la puissance
ce n'était pas qu'une rumeur
l'au-delà existe

[]

Donc dans l'ordre, les événements se succèdent:

C'est d'abord Bart qui tombe seul et oublié. Puis voici le soldat avec Miseria qui partent à la Mer.
Alors c'est au tour de Jeanne et Laenia de s'en aller du côté de l'intérieur des Terres.

On ne sait pas encore s'ils vont tous se rencontrer. Ce qu'on sait c'est qu'ils ont tous dans la tête la même chanson: la chanson de la Rivière.


["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Nous n'étions décidément pas très compatissantes avec notre petite machine serviable, mais il était si bon de se moquer d'elle et de rire aux éclats ! Pourtant l'une d'entre nous fit remarquer, mettant ainsi en exergue notre culpabilité tout juste naissante, qu'au lieu de nous moquer sauvagement d'une "elle", trahissant ainsi le féminisme du moment, nous ferions bien mieux de renommer notre petite boîte technologique et branchée en un "machin prétentieux et arrogant" ! Nous pourrions ainsi nous répandre en moqueries cinglantes à chacune des erreurs ou hésitations de ce serviteur ambigu et lui lancer des "Tu es vraiment trop nul, pauvre plouc !" et autres joyeusetés ...

Adopté immédiatement sans hésitation et à l'unanimité !
[]
L'instant d'après son corps se prend une secousse de détente, véritable ou surjouée ça on le saura jamais ! et sa voix se ralentit elle se fait faussement chaude :
"Moi ça m'vaaaaa ..." il dit ça du genre j'm'en-foutiste ...

C'est alors - comme à chaque fois et pour quelques secondes - comme un lancinant qui s'ennuie vaguement érotiquement sur ce transat qui plante ses pieds de bois dans le sable sombre et sale avec en fond le bruit encore plus sale de la mer qui roule des emballages plastiques, quelques boîtes de conserve désossées et ce jour-là un ballon d'enfant crevé rose poursuivi par un chien.

Tout ça parmi les corps demi nus grattant leurs irritations chimiques, hésitant entre le tiède glauque de l'eau ralentie et le tiède puant du sable.
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le fabriqueur n'existe pas et alors ! | le fabriquant est commercial | le faiseur est un arnaqueur | le faisant est trop proche de faisan la belle volaille ou celui qui vit d'affaires louches | alors il me dit "mais fabriqueur c'est pas dans le dictionnaire !" | l'artisan a peut-être bien un diplôme avec reconnaissance officielle | alors l'artiste ? ouh la la lartiste | le facteur laissons-le porter les lettres ! | le bricoleur est bien sympathique | le constructeur est bien technique | l'auteur lui il a perdu ses mains et sa tête grossit | tandis que le créateur s'apprête à devenir dieu | ...

oui le fabriqueur vient donc de naître ! | et en plus ça défrise les beaux cheveux blancs des académiciens chauves | quelle joie !

[les mots qui n'étaient pas nés]
J'ai vu un tableau. On y voyait:
l'arbre mince et grand dressé au centre de l'image,
et le paysage enroulé autour de l'arbre,
et les chemins de caillou qui deviennent torrent,
et du ciel qui fabrique un très petit bleu en haut à droite.
Imaginez bien ce tableau. Cette oeuvre est l'art d'une personne handicapée physique.
Ça m'a fait du bien aujourd'hui et j'espère que vous apprécierez ...
[]
je me sens proche des émotions des gamins - et des moins gamins des banlieues: tout peut et doit être attaqué ... le pire est que les corps acceptent l'humiliation sans réagir ... sauf qu'évidemment je ne suis qu'un blanc plus ou moins respecté et protégé même par le système ... je ne risque pas de me faire tirer comme un lapin par un flic violeur et assassin ... même avec cette différence énorme de confort et d'irresponsabilité de ma part, je crois que nous avons une proximité certaine et sans aucun doute je ne leur ferai jamais la morale ou des reproches ... je n'ai pas à me vanter de mon confort ... j'agis dans l'image et l'écriture et pas dans la rue comme eux ... malgré la différence de prise de risque, je crois que tous les actes se soutiennent les uns les autres ... Nina comme allemande de l'est massacrée par l'occident à la chute du mur après s'être révoltée contre les autorités antérieures - est bien plus proche que moi des voyous des banlieues, elle n'hésite pas à tout détruire dans l'image ... face à elle ou aux banlieues je choisis de fermer ma gueule ...le minimum du respect
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combien de fois par jour j'apparais et je disparais? Mes yeux sont des racines de nénuphars trainant dans la vase. Ma bouche un brochet luisant
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Assises dans des canapés nous avons évoqué toutes les trois les grands chantiers qui ont envahi les quartiers qui entouraient notre Cité au cours de quelques deux décennies. Nos souvenirs se rejoignaient souvent, ou parfois divergeaient. Et surtout nous avons bien ri, nous étions gaies comme si nous avions bu. Nous avons dicté à une petite machine portable nos remarques, et alors elle tentait de transposer nos voix et nos mots en texte écrit. Elle se donnait bien de la peine la malheureuse mais souvent déraillait complètement. Nous n'avions pas de raison particulière de nous montrer patients avec elle.
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."
La Patinoire des Vernets, quel souvenir !

Quant à la Patinoire des Vernets, autre Temple dédié aux Dieux du Sport celui-là, je l'ai aussi fort bien connu puisque j'y allais patiner les jeudis après-midi en tenant la main de petits garçons préadolescents et fort timides, mais aussi parfois la main plus fine d'une gamine charmante - mais je te rassure immédiatement je n'étais en rien une affreuse ado finissante presque adulte mais juste une autre gamine presque aussi timide que mes victimes !

La patinoire des Vernets fut donc construite entre 1954 et 1958. Au moment de ces glissades glacées, nous devions en être au début des années soixante. Quant à moi j'avais été construite à peine une treizaine d'années plus tôt, mais ces souvenirs sont vivaces et vibrent en moi comme une corde de guitare électrique crachant dans un ampli Vox.
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Tout a changé ce jour pas très lointain où Jeanne a crié et qu'on l'a entendue de partout dans la vallée. C'est ce jour-là qu'elle a perdu son esprit et ses mots.

Aujourd'hui tous les personnages sont dans la vallée.
Chacun d'eux a son pont préféré qui lui sert pour traverser la rivière.
La rivière n'est qu'un mince filet d'eau puisque c'est l'hiver.
Alors chacun traverse et retraverse infatigablement son pont.
Pourtant on pourrait traverser par le lit de la rivière sans beaucoup se mouiller.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
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[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]

je regarde ce qui m'entoure, qui est sans artefact et qui me regarde de ses yeux ou de sa présence vivante: choses, bêtes, éléments, rites, événements ...
(à suivre)
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[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
je ne peux qu'acquiescer à la pensée caustique de mon ami le rat, je lui fais un clin d'oeil
et j'ajoute 'tandis que toi tu ne cherches pas à tricher hein !'
finalement nous défleurons deux cannettes de mauvaise bière et buvons à nos santés réciproques de vieux lascars proches de la mort
(à suivre)
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la perte de mémoire façonne le zombie.L'image lutterait-elle contre cette tendance?Comme elle peut être détournée et "trafiquée", il faut la prendre avec beaucoup de précaution, ce qui force à remonter dans le passé et à faire revivre de la mémoire.
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La terre est vivante. à l'intérieur de son corps, elle sent bouger, creuser, dormir, des choses vivantes, des êtres, mulot, ver de terre, fourmis, champignon.... la terre forme des sortes de tribus, de loin en proche, comme des familles gigantesques, chacune différente de ses voisines mais pourtant cousine. La prochaine sera peut-être plus argileuse, ou plus humide dans le fond d'un ravin. La liberté va de tribu en tribu, parfois il y a des batailles de frontières. L'autoroute est une croûte, indéfiniment durcie qui enferme la tribu du lieu dans une prison ... comment attaquer sa prison, comment effriter le béton ? Les prisons sont des systèmes d'humiliation et de torture. Autant pour les minéraux, plantes ou bêtes que pour les bêtes humaines.

« liberté pour les tribus terriennes ! »
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Donc la Pointe de la Jonction NON ! Vraiment non ! Tout cela, malgré son nom charmant, ne semblait vraiment pas très attirant pour Gigi, l'endroit se montrant même plutôt glauque ... ce qui a changé depuis puisque récemment je remarque en bordure du Rhône durant l'été les incessants pique-niques qui s'alignent à quelques mètres l'un du suivant jusqu'à la Pointe un peu angoissante où se joignent l'Arve et le Rhône comme deux époux fort différents et peu enclins à s'accoupler...
[]
Hier tu n'étais pas là. Mais je n'étais pas seul, Raoul avait choisi de venir voir ma prestation en position rapprochée. J'avais plutôt la honte devant lui. Je ne connaissais rien à ce boulot. Alors ils ont placé leur monde comme des directeurs de cinéma. Avec des porte-voix. Pourtant les espoirs me tenaillaient comme des pinces rougies au feu. Bon Dieu, si seulement j'avais pu l'avoir ce boulot ! Mais bon ... tu n'étais pas là.
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dépossession du monde et de toi-même: il est érotique de ne pas savoir exactement ... autant que de jouir de ce que je sais par moi-même qui est tout à fait partiel ... mais ils veulent tout savoir ... tu ne peux pas utiliser un mot ou un nom mystérieux sans qu'ils saisissent leur petite machine mobile et cherchent furieusement la signification officielle ... ils se dépossèdent ainsi d'eux-mêmes ... leur savoir viscéral hésitant est bien plus important que le savoir officiel qui est toujours le savoir des possédants et des dominateurs ...
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Il venait de perdre sa femme. J'ai dit :
Hadji, pourquoi n'apportes-tu pas des fruits?
Il a dit:
Est-ce qu'il reste des fruits sur le marché ? C'est devenu des pommes de terre et des oignons ...
(Il a pris une profonde respiration et a fermé les yeux)
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liberté pour les orties !

dans le petit carré de forêt vierge dans lequel je tombe quand je traverse ma porte-fenêtre, les orties sont vraiment les reines. elles ont d'autres copines bien sûr, des petits arbres, des gratte à cul , des espèces d'églantines et toutes sortes d'herbasses incontrôlables et non identifiées.

tout ce beau monde n'est que très rarement arrosé. tout ce beau monde survit à la va comme je te pousse. et ça me plaît.

durant l'été, la vie fut dure pour tout ce monde. parfois je transportais quelques seaux d'eau à travers la maison pour leur donner à boire. mais les orties particulièrement on finit par disparaître complètement.

on s'est pris quelques orages ces semaines. de gros orages. et plusieurs de suite.

quand je bois mon café sur une chaise branlante, les pieds allongés chatouillés par les débuts de la forêt vierge, je vois avec une franche camaraderie mes amies les orties, toute mignonnes toute jeunettes, la joie me remplit. et je me remémore les saisons ou mes orties sont au maximum de leur puissance, où quand je prends le petit chemin terreux qui traverse vers l'arrière de la maison, elles sont presque aussi grandes que moi et se penchent des deux côtés, se rejoignent au-dessus du chemin, elle cherchent amoureusement à me piquer de leur délicieuses humeurs urticantes, et je traverse leur troupe amoureuse mon coude en avant pour protéger un peu le visage. et qu'est-ce que je les aime à ce moment-là ! jamais je ne les couperais. parfois quelqu'un de la maison, en mon absence, taille dans la troupe joyeuse de ces belles. alors qu'est-ce que je suis triste.

liberté pour les orties !

liberté d'envahir ! liberté de brûler l'intrus ou l'amoureux ! liberté de mourir dans la sécheresse ! liberté de renaître de toute façon !

même quand nous tous les bêtes humaines les animaux humains nous aurons disparu de la planète....
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Je vais chercher mon chapeau turquoise de l'étagère. Je le mets sur ma tête. Ma serviette tombe de mon corps. C'est une serviette en coton tissée à la main qu'on dit de Gannabad.
Considérant la serviette Ganabadi tombée par terre, je ne suis plus autre chose que ce corps de Ganabad, ce corps qui est un enfant de six ans qui erre ici et là.
Alors je pense que mon chapeau turquoise me va plus que jamais. Et je me souviens que j'avais un autre chapeau aussi. Mala à Saravan Baloutchistan me l'avait donné !
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C'est Bart qui se trouve placé le plus en amont. Son pont est le plus long car il a été construit dans une courbe de la rivière.
A chaque fois qu'il arrive à cette courbe, il scrute l'eau avec insistance. C'est qu'il espère y découvrir le reflet d'une belle jeune fille. Mais jamais encore il n'a vu quoi que ce soit.

En suivant la rivière vers l'aval, les prochains que l'on rencontre sont Miseria et Félin. Leur pont est le plus ancien. Miseria tient sa tête obstinément baissée, elle se parle à elle-même. Le soldat Félin tient sa tête en l'air et il sourit. On peut penser qu'il est joyeux.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
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Comment un-e vacciné-e et un-e non-vacciné-e peuvent-ielles tomber amoureuxse ? Quelle probabilité-chance-risque qu'ielles unissent leur-s corps-++ ?
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Felicia

Est-ce qu'elle va vraiment dans des cafés ?
Est-ce vraiment vrai tout ce qu'elle raconte ?
Je voudrais savoir pourquoi elle danse.
Je voudrais savoir pourquoi elle rit.
Je voudrais savoir pourquoi elle se croit belle.
En vérité ça n'est pas mon histoire. Je m'en fous.
Je veux pas le savoir.
Je trouve que c'est vraiment une fille qu'on doit utiliser.
Ça doit être facile de lui faire peur.
Il faut qu'elle soit ici et c'est tout.
Moi je voudrai pas être elle.
[]...
Un jour je construirai un bateau, je le jetterai dans l'eau, je m'éloignerai de ce sol étrange où il n'y a personne pour réveiller les héros amoureux.
Le bateau sera vide de filet et le coeur plein de perles. Je n'arrêterai jamais de naviguer.
Je n'aimerai ni les eaux, ni les fées de la mer qui sortent de l'eau et jouent au poisson dans cette lueur de solitude, mais je
continuerai à marcher à travers leurs cheveux.
Je continuerai et je chanterai : "Loin devait aller, loin ..."
[]
[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
le rat de ma cave, avec qui je cause parfois, me fait remarquer gentiment que la bonté déclarée des bêtes à deux pattes est toujours perverse, et qu'elle sert surtout à construire la légende de l'immoralité des autres bêtes ... ou éventuellement leur amoralité ... mais en tout cas ce qui nous justifie à les enfermer dans un enfer sanglant à notre service
(à suivre)
[]
le meilleur ami du monde
et à 4h du matin sur la carte du monde
et le trépied à trois pattes et le pluvieux Mahmoud Abad
et les saucisses sur la plage et le klaxon sur le chemin de Darabad
tout ça pour la nation
et on cherche un endroit pour se garer
et randonner avec un camion et des chocolats lourds qui ont été perdus de Melody à Ispahan
[]
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."
La Patinoire des Vernets, quel souvenir !

Dans un coin de la patinoire il y avait certains jours une zone réservée, séparée par une corde, où une fille - ou parfois deux - se penchaient le torse en avant et se levaient la jambe en l'air par-dessus l'épaule pour faire une sorte de chandelier à deux branches.
Et elles tentairnt d'avoir l'air sûres et détendues en pivotant comme des toupies trop lentes !
Je les regardais parfois quelques secondes et je me demandais pourquoi elles faisaient ça ... ça me semblait un peu inutile, et moi je préférais quand même tenir une main dans ma main - où laisser la mienne dans une autre - et tourner en rond en rond sans fin sans fin et peut-être un instant rêver d'un baiser ... alors Gigi se foutait de moi depuis son canapé : quelle satanée dragueuse débile !
Mais j'étais quand même un peu jalouse de leurs costumes en jupettes toutes courtes et de leurs patins blancs étincelants et tout neufs ... moi je n'avais que des patins de garçon noirs et blancs ... je ne savais pas pourquoi d'ailleurs !
[]
Loma et Belamo [1]
Loma et Belamo se voient souvent. Ils se sont rencontrés par hasard.Justement dans cette période où les rues sont vides. L'année 2020, l'année du Covid. Loma et Belamo sont très jeunes. Tous les bars sont fermés. Ils se sont rencontrés dans l'échoppe d'un syrien qui vend des canettes d'alcool avec des étiquettes bidon. A tout le monde, vieux ou jeunes.
[]
Felicia

Tu sais, ici on est toutes un peu jalouses d'elle.
Je me demande avec qui elle danse.
J'ose pas la toucher.
Je n'ai rien à lui dire.
Après tout ça ne m'intéresse pas.
Je sais vraiment pas ce qu'on aurait envie de faire avec elle.
Si on a le malheur de rire avec elle, elle est contente.
Et elle revient vers toi et tout recommence.
Je me demande vraiment avec qui elle danse.
[]
Les salauds de l'agence m'avaient bien ferré, je ne voyais nulle part d'échappatoire. J'avais l'hameçon bien croché en travers de la gorge et du portefeuille. Pourtant j'avais tendance à rêver qu'ils se débrouilleraient pour que ça soit sans trop de risques pour moi !
"Et à mon associé qu'est-ce qui va lui arriver ?"
Ils ont ri - "ça c'est notre business !"
J'ai tout de même eu un éclair et subséquemment une vision de la probable tournure de mon avenir. Il vaut mieux ne pas chercher à tout maîtriser ...
[]
Les vagues marines sont étroites sur le rivage de la cage.
S'il n'y a pas de poisson, il n'y en a pas.
Notre cœur sage, n'entrez pas dans la pub de l'amour chaud.
[]
Dans le fond de mon recoin, je suis éclairé par une lampe courbée dont la lueur m'empêche de voir la nuit que j'entends et qui m'attire.
Alors je fuis.
Chaque nuit je marche longtemps.
[]

Je crois que si nous sommes tous sérieux et organisés, nous allons résoudre le problème, ça me rassure de penser ça, j'y crois vraiment.

[Simon]

Écoute l'obscur putain ! Écoute l'obscur !
En toi-même ! dans ton corps ! dans tes mots ! dans ta voix ! dans tes mains ! dans ton sang ! dans les cris des bêtes ! dans les hurlements des outils ! dans le silence des choses ! dans l'intime des objets !
Écoute l'obscur !
L'obscur te défend, il te protège.
La maladie ne peut rien contre l'obscur ! Le pouvoir ne peut rien contre l'obscur !

[Samia la belette, la superbe de la cité des Treize (93)]
Maurice sur son lit de mort tenta de s'excuser.
Je n'en distinguais pas tant l'utilité.
Quand un infirmier passait, Maurice faisait frénétiquement NON de la main.
Il avait décidé d'en finir.
J'avais deviné l'objet de sa tentative de confession.
Pourtant l'entubage de sa gorge m'avait empêché de saisir le détail.
C'était bien son tour de se laisser entuber.
Je rigolai intérieurement tandis que mon visage restait de marbre.
Pour la galerie.
Décidément je l'aime bien le vieux.
[]
et maintenant
encore philosopher sur mes frères, sur la religion, sur l'obéissance
imaginer les effets sur la chair ...
du haut de la chaire dans l'église trop blanche
avec la lumière qui punit
et ma voix doucereuse
et la femme sur le prie-Dieu, courbée et concentrée
[]
"Je te vois fuir dans le noir, ma toute belle, afin d'éviter toute remontrance à cette sublime conception qui te fus de force et depuis si longtemps sacralisée dans tes intérieurs. Le fond de l'affaire étant il me semble de lui épargner le plus petit risque de blasphème, à cette sainte et si sensible Science. Comme si la terreur te saisissait à la pensée que moi l'Émanent je pourrais vouloir déshabiller l'intouchable divinité de son costume sacré et la mettre nue devant tous !"

"Oh mon Dieu ! Lady Godiva !"

"Ah mon Imanente, ne serais-tu pas plutôt la Transcendante ?"

"Ah Émanent, ne m'insulte pas ! Ou je saisis ta laisse et te fouette ici même sur la rue, chien d'Animiste !"
[]
Tous ils finissent par arriver là:

Le cadavre de Bart immobile et durci comme de la cire et comme s'il était vivant, et le front toujours tourné vers le fond. Bien sûr ! sinon il se décomposerait.

Félin est de plus en plus gai, il tient par la main la vieille qui a dû renoncer à mourir, car ses vieux os en sont incapables. Elle est si heureuse d'apercevoir la mer à l'horizon.

Quant à Folon, il a grimpé debout sur la coque de sa barque renversée. Les pieds à gros souliers, dressés vers le ciel, tournent furieusement, et Folon reçoit de grands coups de semelles cloutées dans le derrière. Comme tous les sages, ça le fait rire.

Les deux filles ont traversé toute une forêt vierge sans rencontrer le moindre amoureux. Pourtant une bande joyeuse de nains sauvages et bruyants les poursuivent: les admirateurs de Jeanne.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
Il disait pourquoi aimez-vous prendre des photos et prendre des photos ?
Je me suis demandé.
Après une semaine, j'ai répondu :
parce qu'on ne sait pas écrire léger.
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Donc en cette époque lointaine, nous avions tous connu un gigantesque palais de béton en notre ville: le Palais des Expositions. Il abritait entre autres une fois l'an le Salon de l'Auto, une grande foire garnie de belles jeunes filles aux longues jambes presque nues qui attiraient nos regards d'enfants, mais faisaient plus particulièrement étinceler les yeux de nos petits collègues munis d'une quéquette entre les jambes. Bref tout cela n'augurait rien de bon pour le futur de la planète, qui allait succomber de plus en plus rapidement sous les gaz toxiques (ceux des voitures bien sûr et non sous les subtiles effluves, bien plus érotiques, des demoiselles allongées sur les capots des automobiles de luxe !)
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mes copines de ma zone à orties ... font la fête quand je m'éveille enfin le matin ... je me fabrique un café au lait mais pas trop tôt ... puis je viens leur donner le bonjour ... peut-être bien que quand je vais crever finalement, elles vont peut-être même me regretter ... bien qu'on ne cause pas énormément ... nous avons des relations assez silencieuses ... mais la sauterelle est plus intime, elle ne se gêne pas pour venir sur mon lit au petit matin ... mais enfin en gros nos relations s'arrêtent là ... pour le moment ...
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Boules bleues

Des boules dansent autour de moi. A une vitesse folle. Partout des boules. Des boules bleues. Avec un peu de vert et un peu de jaune. Et avec des becs si longs.
Avec des becs si minces qu'ils semblent courbés par le vent.
Je vise une de ces boules. L'eau verte se couvre de rides.

Je vise encore une des boules. Comme ces becs sont longs. Je vise et à chaque fois leur vol termine sa ligne par une courbe. Puis l'eau sombre se bouscule en fuyant.
Comme ces becs doivent être durs.

Si je vise mal, comme le bec sera dur. Le ciel est profond et fermé contre l'eau.
Si je n'arrête pas de viser, ils se jetteront tous sur moi. il y en a tellement. Partout je sens des vols. Vols comme celui d'un planeur. Sans effort.

Comme une pierre qui tombe sans effort.
[]
[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
... et je tente de participer avec énergie à ce grand cirque sublime et violent, sans aucun privilège particulier
(à suivre)
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Lucette habitait en campagne avant de descendre à la ville. Vers ses huit ou dix ans probablement. Elle tomba aussitôt amoureuse de tous les bruits. Celui que font les enfants criant dans la cour d'école, le mouvement incessant des gens qui passaient et repassaient sous ses fenêtres. Et toute cette masse de mouvement de bruit et de joie répétitive et désordonnée. Le souvenir de la campagne calme et silencieuse ne lui paraissait pas très attirant.
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J'observais les autres plus bas sur le fleuve. Ils étaient retournés vers le passé et regardaient vers nous. Si j'avais crié ils n'auraient pas entendu. Là-bas l'eau était plus claire. L'eau était plus rapide, son courant plus tumultueux. On voyait les corps des autres à travers l'eau. Ils étaient libres jusqu'aux genoux. Les rives étaient plates et de galets. Entre nous le fleuve était raide. J'avais peur. Je ne savais qui avait raison. Je n'osais les rejoindre, j'avais besoin de leur conseil.
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reste par dessus tout l'admirable Casals, le formidable Pablo, formidable de maladresse, avec ses cris et ses grognements, sa sensibilité incontrôlée à l'opposé de toutes les machines faussement humaines fabriquant de la musique sans erreurs
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tribus humaines

les tribus d'humains sont des rivière, des torrents, des ruisseaux, des lacs, des océans ... alors des vents, des courants marins les soulèvent les poussent selon les nécessités et la violence des événements ... tu ne peux enfermer ni l'air ni les liquides ! sauf à construire les prisons qui sont des outils de torture ... n'enferme pas les rivières n'enferme pas les ciels n'enferme pas les tribus n'enferme pas les colères !

« liberté pour l'eau et les tribus et les colères ! »
[]
C'est quelques mois plus tard qu'ils se rencontrent, sur une petite île sableuse et plate perdue dans le delta de la rivière. Avec juste quelques arbres et des broussailles. Enfin disons dans le delta du fleuve, car ils comprennent que la rivière était en réalité le Fleuve.

Le Fleuve est immense et très lent.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
La porte s'ouvre. Personne ? Ah si, un morceau de tablier blanc se cache presque. Je l'ai vu bouger.
On me fait entrer.
Alors il me faut mettre des gouttes dans mon oeil.
Avec le tablier blanc et les cheveux tirés on croirait une poupée de bakélite froide.
Fermez ! Il faut que la pupille se dilate.
Il aurait peut-être fallu faire bonjour en entrant. J'aurais pu tomber amoureux de la chose de bakélite rose ?
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Nous avancions toujours dans ce liquide lourd. Nos esprits étaient vides mais sans tristesse.
Nous atteignîmes un replat des eaux, une sorte de lac artificiel dominé par des bâtiments sévères et sombres comme des prisons, ou comme des casernes.
Je tentai de prendre pied dans ce bassin. L'eau était trop profonde et menaçait de me submerger.
Je me retournai et j'annonçai qu'il était impossible d'avancer.
Un autre s'avança, qui émergea jusqu'à mi buste. Nous pénétrâmes tous dans ce lac.
Une sorte de barrage s'élevait en amont du lac. Nous avancions dans le balancement lourd de nos épaules. Nous étions légers de la lourdeur de l'eau.
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Ce n'est qu'une histoire : « Il y a longtemps, quand nos parents vivaient dans une grotte, tout le monde était heureux et satisfait, et chaque fois qu'ils avaient faim, ils tendaient la main et cueillaient un fruit dans un arbre. « Il a fallu jusqu'à ce que les gens s'ennuient et décident de jouer à un jeu de : allons loin, où nous ne sommes jamais allés ! et ils disaient : allons-y, voir si on peut y arriver? En marchant on arrive, et après être arrivés, ils ont mis la main sur un autre endroit et sont arrivés à nouveau !
alors il ne suffit plus de tendre la main
mais ils avaient eu faim d'autre chose. »
[]
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Les cordonniers, également nommés gendarmes, ou soldats, sont de grandes coccinelles ovales dont la carapace ornée de noir sur rouge orangé, évoque fortement des masques africains. J'en voyais par centaines dans ma petite enfance quand nous nous traînions à quatre pattes dans le grand pré d'herbe derrière l'immeuble où j'habitais. La peur n'était pas entièrement absente, mais il me reste surtout la fascination pour ces choses qui semblaient avoir survécu depuis la préhistoire. Aujourd'hui je n'en vois plus guère dans les maigres herbettes urbaines, mais Gigi m'a dit en avoir vu deux il y a peu. Cela m'a légèrement rassurée sur notre époque, quoique sans véritable enthousiasme: on a bien compris que la mort hante notre planète, on n'est quand même pas des connes.
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[ je t'en supplie ... pas le miroir !!! ]
moi la bête à forme humaine, ou la chose à deux pattes, ou tout aussi bien la masse des corps habillés se regardant dans un miroir, je ne suis qu'une chose parmi d'autres de la multitude de ces événements, éléments, bêtes, rites, choses sans artefact ...
(à suivre)
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Pour moi, un zombie c'est quelqu'un qu'on observe. Sans arrêt. Les yeux se braquent tels des lumières qui te mettent patraque. Leur réaction est si violente qu'ils n'ont plus de moyen d'exprimer leur commisération. La curiosité humaine on me dit.
Et le respect? C'est plus qu'une énième débilité dans les livres pour enfants. Alors on me juge. Tel un zombie, a semi-mort. Qui n'est ni a Brugges ni autre part. Dont l'existence n'est que marquée sur une feuille dans une pile de documents poussiéreux. Les seuls qui s'en occupent réellement? Quelques mecs rabougris dans l'assurance dont la cadence est rythmée par cette pile. On ne me voit plus, celle qui je suis. Celle qui a peut-être un jour plu au voisin du palier.
Mon visage du coté gauche montre une faiblesse. Tel les cheveux blancs d'un homme qui témoignent de sa vieillesse. Alors le gêne s'installe. Ont-ils commis une erreur? De toute façon l'erreur est humaine on me dit. Le chuchotement autour de moi persiste tel le bourdonnement d'un moustique la nuit. La pluie de question s'abat sur moi. Et après on me demande pourquoi ai-je le moral si bas. Aux yeux des autres je parait pas sur de moi. Sur de quoi? Que je dois rester enfermée entre quatre murs a cause du soleil? Ou que je dois me "reposer" comme une vieille. Me reposer de quoi? De la stupidité humaine? Qui raconte des imbécilités car pour eux que le physique ne compte.
Et la chimie? Mes pensées, mes idées ? N'est elle pas assez typique? Mon visage est brûlé. Mais ni mes idées ni mes pensées sont blessés. Au contraire de ce que vous pensez. Vous faut-il une radio ou une video de mes pensées pour vous le prouver? Car vous vous arrêtez a mon visage. Pour vous une image est assez pour me décrire, sans me connaitre. Car pour vous, une image dit tout. Elle dit même plus. Pour vous elle, représente aussi mes idées. Car vous me jugez a première vue. Et pas que moi. Mais tout ce qui diffère des mois lugubres et belges.

Lilla F. Gargya, 15 ans.

[]
Mais tu sais, voir de l'eau libre me remplit toujours de ce sentiment accablant indescriptible.
Le sentiment étrange de voir la liberté juste là quelques pas devant moi, mais je ne peux pas y toucher !
Le voir me remplit toujours d'enthousiasme et d'envie de me libérer; mais je ne peux que le voir !
Je vois toutes ces chaînes invisibles qui nous attachent les mains et les pieds.
Voir, voir et voir.
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Comme le dit Ahmad Reza Ahmadi, asseyons-nous et soupirons un moment. Combien de joie et de bonheur attendons-nous d'une vie qui a toujours son propre dernier mot. La photo que je tiens dans ma main est ancienne, peut-être de l'année 2014, et depuis, notre vieillissement, notre colère, notre séparation, notre solitude et notre solitude se sont accélérés ....
[]
- oui le zombie est celui qui est regardé froidement

- miroir ô miroir dis-moi quelle est la plus belle !
- en tout cas pas toi, répond le miroir prétentieux, c'est mon oeuvre si jamais ton reflet semble le plus beau, toi tu n'es rien !

mais la main, sous la tablette de maquillage, avait caché quelque chose, et le miroir stupide ne comprit pas ce qui se levait soudain, à bout de bras brandi, et se projeta dans l'air moite et confiné: il y eut un mouvement sauvage du bras, puis le pavé poursuivit plus loin la trajectoire si bien commencée ...
"Oh non, fit le miroir paniqué, mais il n'eut que le loisir de regarder la chose grise, cubique et très lourde grossir grossir grossir, puis il se sentit encore éclater en mille morceaux qui s'effondrèrent ...
"Que disais-tu donc cher miroir ?"
Il n'y eut jamais de réponse

Alors les humains surpris de leur nouvelle liberté se prirent à se parler hors du regard, comme ça tout simplement, pour rien, pour le plaisir ... et à la place des miroirs on perça les murs qui devinrent des fenêtres ouvertes sur l'espace

et personne ne savait plus s'il était zombie ou pas
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Vous souvenez-vous que Salmaz a enseigné la différence entre le portrait selfie et le selfie ?
Le résumé de son cours de quatre heures et demie était que le selfie est vide et sans valeur et que le portrait selfie devrait montrer votre direction intérieure, sinon ce sera juste un selfie amélioré.
Accepté !
Est-ce que mon sentiment intérieur est clair ici ? ou suis-je semblable aux mamans erronées dans ces dessins animés qui insistent pour que leur enfant épouse un prince ?
Je ne sais pas.
Jusqu'à ce que tu saches, je ne suis plus la même.
-Sini bla
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Kiarostami a déclaré dans une
de ses interviews : « J'aime les enfants.
Les enfants construisent et cassent.
Contrairement aux adultes qui veulent
juste construire ! »
[]
Il baisse les yeux
"Une fois qu'on t'a donné la rationalité est-ce que tu peux t'en laver ?"
Je lui propose :
Faut-il plonger des animaux dans l'eau bouillante
Fumer
Danser
Aimer et détester au même endroit
Mentir
Tricher
Frotte plus tous les jours plus loin plus dangereux
pour t'en laver
Lavement douloureux impossible comme la suie des trolls

Je le vois
Son regard égaré ses mains puissantes
Il n'arrête jamais de toucher
Toucher les peaux les objets les pierres les murs
Toucher et fermer les yeux
Pour découvrir un nouveau chemin

[]
je suis tombé sur une photo de mon
premier voyage. Olene Auto-stop ! Quand
j'avais posté cette photo sur lnstagram,
cela faisait quelques jours que j'étais
revenu de la mort. J'avais le sens d'un
philosophe qui comprend les secrets de
l'univers. C'était écrit dans la légende
«aller, aller et aller et venir», puis je suis
parti et je suis parti. Quelque chose,
quelqu'un m'a bouleversé, je suis allé
ailleurs. Parfois j'étais une rivière et
parfois un vent, mais toujours en train de
passer. J'ai vu beaucoup, j'ai entendu
beaucoup, j'en ai fait beaucoup, et si
j'étais resté assis chez moi, je n'aurais
rien su de tout celà.
sijatlife
[]
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."
La Patinoire des Vernets, quel souvenir !

Donc dès 9 heures le jeudi matin, je glissais sur la glace luisante de notre patinoire des Vernets mais les mains timides n'arrivaient dans la mienne en général que vers 10 heures. Comme je me souviens des mains plus fines des gamines, oui ces mains plus fraîches parfois un peu frémissantes dans les courbes aux bouts de la surface de glace et dans le flux de patineurs ... Ça tirait joliment et on s'accrochait comme au bord d'une falaise pour ne pas tomber ! Les petits garçons étaient un peu vacillants aussi mais quand même physiques, plus sportifs quoi ! et leurs mains s'accrochaient ferme et il me jetaient parfois un court regard admiratif ou inquiet.
[]

... alors ma copine Simone a dit que bien sûr c'est cool de pouvoir de nouveau faire la fête que ça lui manquait bien sûr ... mais qu'elle a très peur qu'on se reprenne la baffe dans la gueule avec tout ce monde qui croit que tout est fini et fait n'importe quoi...

[Françoise]

Aimes-tu mieux jouer au loup ou avoir peur du loup ?

y a-t-il des corps plus ou moins sexy pour le virus ?
Quel incident pourrait-il amener les personnages à se rencontrer ? Cet incident hypothétique va-t-il se passer ? Ou ne s'agit-il que d'un espoir vide ?

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
Ils en sont à la restauration des balcons.
Depuis ma cuisine au petit déjeuner, ou quand je travaille sur ma table, cette présence des travaux me communique une certaine fiction mystérieuse, comme un théâtre - en répétition ou alors le vrai spectacle qui se jouerait pour moi seule.
J'ai beau me concentrer sur ce que je fais, c'est une sorte d'imaginaire en double qui est toujours là, et mène sa vie discrètement mais avec insistance.
Le béton des balustrades a été troué et arraché dans ses parties endommagées, les fers à béton sont à nu, rouillés, il y a des déchets de béton un peu partout ... A chaque fois, hors de mon contrôle, je remarque que je pense à Belgrade en guerre.
Pourquoi Belgrade ? Je me dis que c'était proche de nous, géographiquement, c'était comme si vraiment ça pouvait nous arriver à nous.
Mais ici, le côté dramatique a été supprimé, c'est une fiction. C'est comme un film, ça me donne du plaisir.
[]
Nous ne sommes pas de la production industrielle ! Nous ne sommes pas du babillage médiatique ! Nous sommes simplement - et c'est déjà solide et jouissif - des silhouettes actives et indistinctes, si semblables à toutes les silhouettes qui parcourent la planète - création de je ne sais plus trop qui et je m'en fous d'ailleurs ! et ma silhouette n'est en rien plus intéressante que celles du moindre arbrisseau s'accrochant dans les cailloux arides, ou que n'importe quel suricate, que j'appelle aussi souris-chat, sentinelle du désert dont la petite tête pivote continuellement à la recherche d'un danger dont elle devrait avertir les congénères de sa petite communauté ...
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à chaque heure pile elle me demande si je veux un whisky-coca. nous avons collé sa bouche-cri sur celle d'un coq, son oeil sur le mien, celui du coq au-dessus de ma langue. Depuis la maladie toutes les denrées alimentaires ont encore augmenté. on a peur mais on rit
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Soyons fort dans la révolte car nous sommes qu'au début d'un changement vicéral de notre société.
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Ils ont vite compris que j'avais déjà quelque chose en vue, alors ils m'ont expliqué la procédure. Je me dis que de toute façon il est trop tard. J'ai déjà trop bien participé.
Il suffit peut-être de ne pas compliquer les choses. Et d'essayer de rigoler avec eux.
Et si possible d'être un peu obscène, ça leur plaira sûrement.
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Cloak et Atlas et Diba sont sur nous.
Il n'y a pas de cape pour notre nudité. Nos cheveux sont comme une chaîne courbée.
Ils sont pris dans un noeud, il nous peignent les épaules couleur de l'extrême angoisse.
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La maison je la trouve haute et ornée. J'y entre parfois et j'observe les tapis rouges, les hautes horloges, les décorations de fruits artificiels. Je suis attendu dirait-on.
Nous montons.
Dans la petite et longue chambre, une musique se met à jouer, elle nous cache le silence.
[]
Il fait demi jour, c'est la campagne désolée.
Pourtant, là où coule la rivière, c'est encore sombre. Comme si le soleil avait décidé de ne plus passer par là.
Si on s'approche, on voit qu'il y a eu des fleurs une fois, on ne sait pas quand.
Maintenant elles sont jaunes, pourries et ricanantes.

Pourquoi ce changement ?
Ou alors, lequel des personnages serait-il à ce moment justement là près de la rivière ?
Et que ça serait la raison pourquoi ça reste sombre ?

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
[]
"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."
La Patinoire des Vernets, quel souvenir !

Et alors arrivait au bout d'un moment l'annonce du haut-parleur et il fallait sortir de la glace et s'asseoir dans les tribunes pendant que les grosses machines lourdes tournaient lentement, passaient et repassaient consciencieusement pour refaire la glace qui devenait alors lisse comme une vitre... Mais au lieu de s'asseoir sagement on pouvait aussi descendre par la pente en grille de fer avec des planches en bois dessus jusqu'au vestiaire où on pouvait acheter une barre de chocolat et un verre de quelque chose de frais - ou de chaud, selon les aventures de la matinée ...
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D'autres futurs possibles:

Félin accompagne Miseria qui a choisi d'aller mourir sur la rivière, tout en aval, là où il n'y a plus aucun pont avant la mer. Ils marchent sur les pierres froides. Félin raconte des blagues à tout le monde sur leur passage et tente de faire sourire Miseria.

Jeanne décide de partir à la recherche d'un amant. Laenia l'accompagne bien sûr.

Folon le sage construit une barque à l'aide d'un vieux vélo, avec des pieds de bois à lourds souliers cloutés qui marchent sur le fond de la rivière. Il est ainsi le seul à pouvoir remonter le courant. Va-t-il découvrir quelque chose en amont du premier pont ?

Non. Rien. Alors il redescend vers l'aval.
Après avoir dépassé le dernier pont, il reste là, immobile, et il attend.Il sait ce qui va se passer. il sait surtout qu'une fois peut-être, probablement dans longtemps, tous ces personnages vont revenir à leur place. Comme un pendule fatigué de balancer.

["La rivière", un film slovaque tourné clandestinement durant une pandémie politique]
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Ce rêve me revient. Il revient sans cesse.
Il doit bien être occupé à me parler de quelque chose.
Je me demande de quoi il me parle.
Sans comprendre, même dans l'incertitude (ou plutôt surtout dans cette secrète vraisemblance mensongère) je l'aime ce rêve, il m'est nécessaire.
Il parle de corps en groupes, il parle de terres inexplorées, il parle de l'étrange du monde, il parle de la noyade dans la vie, il parle bien sûr du dangereux du pouvoir. Il parle bien sûr de la solitude et de la puissance ou de l'impuissance du désir.

Ou peut-être ne parle-t-il de rien du tout. Peut-être se donne-t-il juste un peu de plaisir à lui-même.
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Naples .. la Sanita ... les nouveaux nés se laissent toujours et encore bénir dans les pleurs, tout proches des morts des catacombes ... entre eux, juste quelques murs de pierres fragiles ... demain c'est aujourd'hui ...
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Je parle à une personne kurde, je réponds
à une personne en turkmène "Gh. Sugar"
et en réponse à une autre personne je dis
à Balochi "gentillesse" ! Mon corps est
rempli d'amour. Un amour à la mesure
de tout l'Iran. Un amour à la mesure
de toutes les bonnes et mauvaises
personnes que j'ai vues en chemin.
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Les marnes

L'ardoise, les ardoises, ou autre chose, une autre sorte de pierre ou de caillou, je ne sais pas, je n'ai pas à savoir, s'est entièrement effritée. ça a fabriqué un chaos minéral, comme une foule folle dans une gare à midi. Mais immobile. une infinité de petits êtres choses jetés là par la lente fureur des éléments, par la puissance du temps. Géologique. De la pluie et du vent. De la chaleur et du froid. la foule de ces petits êtres-choses baigne dans une mer de poudre minérale. la couleur est grise ou beige et je m'en fous. en marchant, j'effondre des morceaux de foule qui coulent un peu plus loin avec le sable avec leur sable avec leur poudre. mais je n'organise rien. je ne suis pas un maître. je m'effondre comme les marnes qui s'effondrent sous mes pieds. je suis heureux avec elles. je les respecte et elles me respectent.

« Liberté pour les Marnes ! »
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je le sais que je suis un looser
j'accorde une dernière pensée aux risques
aux risques pour moi surtout
me voici embringué avec cette horde de bandits
mais une surprise m'attend, une tête salement connue
j'aurais jamais imaginé tomber ici sur Haissly
ce petit con de l'école il y a bien des années
il ne me plaisait pas et je ne le lui cachais pas
mais lui il est devenu avocat
il est d'une famille riche
il dispose de bien plus de moyens que moi
aujourd'hui c'est mon tour de devenir "le petit con"
je n'ai pas de quoi me défendre
alors bien sûr il y a pas de raisons
qu'il ne profite pas de son avantage
pour s'offrir de petits plaisirs
de toute façon je suis un looser
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"On n'allait pas le dire avec des fleurs ..."

Mais avec Lucette et Gigi, mère et fille, nous avons choisi de donner un corps à ce chantier à cette violence, par la parole et par l'image, autant pour les jouissances que nous savions en tirer que pour les rages que nous n'étions pas du tout prêtes à abandonner sans les dresser bien visibles aux endroits les plus sensibles ou les jeter sur la rue pour encombrer le trafic ou encore dans les cours, boueuses et encombrées ou rénovées kitch, là où de toute façon pissent les chiens. L'ambiance était chaude dans notre petit salon et nous nous sentions bien décidées à rire férocement et à semer le bordel.
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"le_parloir" par La bande des Uneparjour, Max Jacot et JR Obonaga
contact Max Jacot